Le pied diabétique infecté
L’INFECTION
L’infection n’est pas typique du diabète. Le pied diabétique est fragilisé en raison de la neuropathie, de l’artériopathie et de l’ostéo-arthropathie.
Comment faire le diagnostic de l’infection ?
Détection : Les signes d’infection sont bien connus : douleur, chaleur, rougeur, gonflement. La situation est piégeante chez les patients qui souffrent de neuropathie et/ou d’artériopathie. La douleur peut être absente, la chaleur et la rougeur nettement moindre que chez des patients non diabétiques et ce même en cas d’ostéite qui, il faut le souligner, peut se présenter sans augmentation des leucocytes à la biologie dans 2/3 des cas. Une plaie doit toujours être débridée et explorée. L’ exploration de la plaie à l’aide d’un stylet boutonné est indispensable, à la recherche de corps étrangers et également à la recherche d’ostéite. Si le stylet boutonné est en contact avec l’os, il y a quasi certainement ostéite. La recherche bactériologique est importante mais doit être faite correctement en évitant les frottis superficiels, qui sont tout à fait inutiles et même dangereux, car le résultat risque d’induire en erreur en raison des contaminations multiples de la peau. Il faudra pratiquer un curetage de la base de l’ulcère après débridement et prélever alors, ou prélever par aspiration de la base de l’ulcère à l’aiguille ou par biopsie. Notons encore que dans la recherche d’une ostéite, la radiographie sera en retard sur la clinique de parfois 15 jours à 3 semaines. En cas de doute, une RMN ou une scintigraphie aux leucocytes marqués à l’Indium 111 (cher et rare) est à proposer. Une scintigraphie au Technétium n’est pas utile, car pas assez spécifique.
La classification de l’infection est purement clinique
• Grade 1 : pas d’infection
• Grade 2 (minime): pus ou 2 signes parmi rougeur, chaleur, douleur, oedème, et limitée à la peau ou aux tissus sous cutanés, et ne dépassant pas 2 cm autour de la plaie.
• Grade 3 (moyenne): dermohypodermite de plus de 2 cm autour de la plaie, ou lymphangite, ou abcès profond, ou gangrène, ou infection impliquant tendon, os , articulation ou muscle.
• Grade 4 (sévère) : quelque soit l’aspect local, présence de signes évoquant une atteinte systémique ou un déséquilibre métabolique: fièvre, frissons, hypotension, tachycardie, confusion, hyperleucocytose, acidose, hyperglycémie majeure... (Clin Infect Dis 2004).
Attention à faire le diagnostic différentiel avec un pied de Charcot. Cette affection est due à la destruction d'une ou de plusieurs articulations du pied suite à une atteinte soit neurotraumatique soit neurovasculaire. L’origine exacte est inconnue mais les os et les articulations apparaissent particulièrement fragiles aux fractures et dislocations.
La classification de l’infection : est-elle utile ?
• Pour communiquer et comparer ses résultats: oui ex : étude sur les antibiotiques.
• Pour faire passer le message que toute plaie doit être examinée et explorée (profondeur ? atteinte osseuse ? ) : oui
• Pour inciter les non-diabétologues à faire des glycémies : oui
Des prélèvements bactériologiques ne doivent pas être réalisés face à une plaie cliniquement non infectée. Ils risquent de ramener des germes qui sont simplement des contaminants (germes se trouvant normalement sur la plaie comme partout sur notre peau mais n’entrainant pas d’infection) et de débuter un traitement par antibiotiques inutiles et qui risque de générer des résistances microbiennes.
Savoir prendre en charge l’infection :
Le traitement de l’infection repose sur la prescription par le médecin d’antibiotiques qui seront choisis en fonction des résultats des prélèvements bactériologiques pratiqués.
La mise en décharge de la plaie
La mise en décharge totale de la plaie
Figure 2
Suspension dans le traitement du tabes dorsalis (Charcot et Gilles de la Tourette 1889),
Cet aspect de la thérapeutique est cité en premier dans le fascicule de Lipsky et Berendt “The diabetic foot: essentials of managing infectious complications; 2008” et en second après l’équilibre glycémique dans les recommandations Françaises.
C’est le seul aspect de la prise en charge des plaies du pied diabétique qui ait fait la preuve de son efficacité.
Efficacité de la mise en décharge: preuve clinique dans les plaies non infectées
63 patients présentant un mal perforant plantaire ont été suivis pendant 12 semaines. Un groupe portait un plâtre de contact total (ou Total Contact Cast = TCC), l’autre une chaussure (Barouk). Cicatrisation à la fin de l’étude dans le groupe TCC : 89 %, dans le groupe Barouk : 30%2 (Armstrong, Diab Care, 2005).
C’est le seul aspect de la prise en charge des plaies du pied diabétique qui ait fait la preuve de son efficacité.
Efficacité de la mise en décharge: preuve clinique dans les plaies non infectées
63 patients présentant un mal perforant plantaire ont été suivis pendant 12 semaines. Un groupe portait un plâtre de contact total (ou Total Contact Cast = TCC), l’autre une chaussure (Barouk). Cicatrisation à la fin de l’étude dans le groupe TCC : 89 %, dans le groupe Barouk : 30%2 (Armstrong, Diab Care, 2005).
L’efficacité a également été démontrée sur les processus de réparation tissulaire de la mise en décharge. Il s’agit là d’une preuve histologique : présence de plus de tissu de granulation, de nouveaux capillaires etc… dans les plaies déchargées (Piaggesi, Diab Care, 2003).
Ne pas supprimer totalement l’appui prolonge la durée de la plaie donc le risque qu’elle s’infecte, favorise la diffusion de l’infection vers les plans profonds et l’os et empêche les processus de réparation tissulaire.
La mise en décharge totale et immédiate de la plaie :
• N’est pas mise en œuvre par les centres qui ont peu d’expérience.
• Exemple de l’étude OPIDIA :
– les centres considèrent que “l’hospitalisation” équivaut à une mise en décharge, ce qui est faux – un moyen de décharge autre que “l’alitement” ou “le repos à domicile” devrait être systématiquement prescrit et appliqué.
Ne pas supprimer totalement l’appui prolonge la durée de la plaie donc le risque qu’elle s’infecte, favorise la diffusion de l’infection vers les plans profonds et l’os et empêche les processus de réparation tissulaire.
La mise en décharge totale et immédiate de la plaie :
• N’est pas mise en œuvre par les centres qui ont peu d’expérience.
• Exemple de l’étude OPIDIA :
– les centres considèrent que “l’hospitalisation” équivaut à une mise en décharge, ce qui est faux – un moyen de décharge autre que “l’alitement” ou “le repos à domicile” devrait être systématiquement prescrit et appliqué.
Suppression de l’appui :
Tous les moyens sont bons ! Ne pas oublier que les chaussures ne sont pas des moyens de décharge des plaies efficaces même avec des semelles soi-disant de décharge.
Lavery LA. (Diab Care 1996) a montré que la réduction de la pression sous la tête du 1è méta était de 84.3 % lors du port d’un TCC et seulement de 11.6 % lors du port de chaussures extralarges ou extraprofondes.
Une étude a comparé l’efficacité sur la cicatrisation du TCC et d’une chaussure à pansement. Dans le groupe TCC après 30jours on retrouvait 50% de guérison et dans le groupe chaussure seulement 21% (Caravaggi G & al,Diab Care 2000).
Figure 5 : chaussure à pansement
Elles seront utiles pour prévenir les récidives mais pas pour traiter les plaies.
Au contraire, une plaie non infectée a de grandes chances de s’infecter si le patient continue à poser un appui sur cette plaie.
Différentes modalités de décharge existent: Le TCC, L’Aircast ou autre « walker », les « chaussures » en plâtre comme la Ransart boot, le Scotch cast etc…
Tous les moyens sont bons ! Ne pas oublier que les chaussures ne sont pas des moyens de décharge des plaies efficaces même avec des semelles soi-disant de décharge.
Lavery LA. (Diab Care 1996) a montré que la réduction de la pression sous la tête du 1è méta était de 84.3 % lors du port d’un TCC et seulement de 11.6 % lors du port de chaussures extralarges ou extraprofondes.
Une étude a comparé l’efficacité sur la cicatrisation du TCC et d’une chaussure à pansement. Dans le groupe TCC après 30jours on retrouvait 50% de guérison et dans le groupe chaussure seulement 21% (Caravaggi G & al,Diab Care 2000).
Figure 5 : chaussure à pansement
Elles seront utiles pour prévenir les récidives mais pas pour traiter les plaies.
Au contraire, une plaie non infectée a de grandes chances de s’infecter si le patient continue à poser un appui sur cette plaie.
Différentes modalités de décharge existent: Le TCC, L’Aircast ou autre « walker », les « chaussures » en plâtre comme la Ransart boot, le Scotch cast etc…
Figure 9 Ransart Boot
Le débridement et la chirurgie de l’infection :
Figure 11 Débridement correct: debride to bleed ! (comme disent les anglais)
Ah si les recommandations pouvaient être appliquées !
Le débridement mécanique et chirurgical
• “Consiste à exciser les parties molles nécrosées, les tissus dévitalisés et contaminés”
• “La chirurgie d’urgence doit être la plus conservatrice possible”
• “Toute amputation d’urgence même mineure doit rester exceptionnelle”
Les erreurs les plus fréquentes :
• Ne pas évaluer le statut vasculaire ni envisager de geste de revascularisation.
• Croire que toute infection sévère nécessite une amputation.
• Pire, penser encore actuellement que le niveau d’amputation doit être le plus
éloigné possible de l’infection !
Pourquoi commet-on ces trois erreurs ?
1ère erreur : ne pas évaluer le statut vasculaire ni envisager de geste de revascularisation :
• Parce qu’on ne sait pas que le pied diabétique est souvent artéritique.
• Parce qu’on ne sait pas qu’un geste chirurgical sur un pied vasculaire va précipiter, aggraver et étendre l’ischémie tissulaire.
2ème erreur : croire que toute infection sévère nécessite une amputation :
Parce qu’on ne connait pas les autres aspects de la prise en charge (drainage, mise en décharge, antibiotiques).
Parce qu’on ne sait pas qu’un drainage ou une mise à plat sans amputation sont possibles.
Parce qu’on ne sait pas que l’ostéite n’est pas une urgence chirurgicale, et peut même être traitée médicalement.
3ème erreur : penser que le niveau d’amputation doit être le plus éloigné
possible de l’infection :
Peur ancestrale de l’infection chez le diabétique qui remonte au temps où :
– on pensait que le diabétique était immunodéprimé.
– on ne savait pas équilibrer rapidement et correctement la glycémie.
– on ne disposait pas des antibiotiques actuels.
– on ne pensait pas que revasculariser les membres inférieurs des diabétiques était possible.
Le débridement médical ou chirurgical idéal :
• Débrider uniquement les fontes purulentes tissulaires
• Au moindre doute sur la viabilité tissulaire : drainer d’abord et suivre l’évolution avant de débrider.
• Etre le plus conservateur possible sur le plan ostéoarticulaire.
• L’ostéite n’est pas une indication chirurgicale, ni absolue, ni urgente.
• Revasculariser un pied artéritique avant toute amputation.
Traitement : Le traitement de l’ulcère et/ou du mal perforant plantaire sera envisagé plus loin. Le traitement de la plaie est classique comme pour toute autres plaies. L’antibiothérapie devra être adaptée. Les infections du pied diabétique sont généralement polymicrobiennes et comprennent souvent des anaérobies. Les propositions du Sanford sont : pour une infection superficielle, clindamycine ou céphalosporine de 1ère génération et pour une infection modérée, cefoxitine ou association d’une quinolone avec de la clindamycine. En cas de septicémie, il faudra recourir à une antibiothérapie plus lourde, le plus souvent par injections IV, et l’hospitalisation sera alors nécessaire. En cas d’ostéite limitée, l’Augmentin pourra être prescrit. En cas d’ostéite sévère, il faudra à nouveau recourir à une antibiothérapie lourde en IV requérant une hospitalisation. Toute infection déséquilibre le diabète, et donc le contrôle métabolique sera à surveiller de près. TRAITEMENT DE L’ULCERE La guérison d’une plaie chez un patient diabétique repose sur deux points majeurs et un point mineur, après avoir éliminé l’ostéite qui nécessitera souvent un traitement chirurgical et l’infection dont nous venons de parler.
Les deux points fondamentaux sont :
1) La décharge de la plaie du poids du corps, ce qui nécessite le repos, un repos total de la lésion, soit repos au lit, soit port d’une botte de décharge (Scotch cast boot etc...). En tout état de cause, cette décharge doit réellement mener à une pression zéro au niveau de l’ulcère si on espère la guérison.
2) Un débridement soigneux, complet et fréquent de la plaie. Le traitement local est un point mineur. Rappelons que tous les désinfectants sont cytotoxiques et que, dés lors, après leur application il faut rincer la plaie avec du sérum physiologique avant d’appliquer le traitement choisi (pansement hydrocolloïde, tulle gras etc..). Les pommades antibiotiques et toute autre pommade cicatrisante n’ont pas de place, démontrée, à ce jour dans le traitement de l’ulcère du pied diabétique. Après la guérison d’un ulcère toutes les mesures préventives résumées plus loin et notamment le choix des bas, semelles et chaussures devront être prises pour éviter les trop fréquentes récidives.
Trop souvent encore un pied diabétique infecté est amputé sans plus de réflexions alors qu’il a été clairement démontré à ce jour que beaucoup de plaies du pied diabétique infectées pouvaient être gérées médicalement.